Virginie Caubert
Accompagnement de santé holistique à Aix-en-Diois
 
Pont de quart, 26150 Solaure-en-Diois
 

Quel est l’intérêt de la lactofermentation ? Comment préparer et déguster ses légumes lactofermentés ?


La fermentation : tour d’horizon

La fermentation est le mode de conservation des aliments le plus ancien qui existe, et que l’homme a utilisé bien avant l’apparition des congélateurs ou des mises en conserve. La consommation d’aliments fermentés est universelle, et remonte vraisemblablement aussi loin que la cuisson des aliments, à l’époque où l’homme a maîtrisé le feu, il y a près de 500 000 ans. Certaines hypothèses avancent même que la fermentation serait antérieure et remonterait jusqu’à 1,9 millions d’années. Aujourd’hui encore, nous consommons régulièrement des aliments fermentés, parfois sans le savoir : fromages, pain, bière et vin, et aussi, café, thé, chocolat, salaisons (viandes, poissons, charcuteries), choucroute, chutneys, achards, ketchup, pickles… La diversité des spécialités gastronomiques et traditionnelles reposant sur la fermentation est inouïe !

 

La fermentation : de quoi s’agit-il ?

Le processus de fermentation correspond à une transformation biochimique de certains composés d’un aliment sous l’action de populations de bactéries et de levures spécifiques : transformation du sucre (glucose, fructose) en éthanol (alcool) puis en acide acétique (vinaigre) par exemple. Alors que la pourriture correspond à une transformation par des micro-organismes qui aboutit à la dégradation de du substrat de départ, la fermentation, dans une transformation analogue, conduit à la préservation de ce substrat.

Précisément, la biochimie définit la fermentation comme le processus de dégradation de certains composés organiques, sous l’effet d’enzymes spécifiques produites par divers micro-organismes. Ces transformations se font la plupart du temps en milieu anaérobie, c’est-à-dire en l’absence d’air ; pourtant, certaines fermentations (celle du vinaigre ou du roquefort) nécessitent la présence d’air pour s’opérer.

Les micro-organismes responsables de la fermentation sont présents naturellement à la surface ou à l’intérieur des matières premières qui leur servent de substrat. Ils peuvent aussi être ajoutés intentionnellement. Ces micro-organismes vivent en colonies de plusieurs populations d’espèces variées et agissent en synergie, à l’instar du microbiote qui est présent dans notre tube digestif. On appelle ces colonies les SCOBY, acronyme de l’anglais Symbiotic Colony of Bacteria ans Yeast, c’est-à-dire Colonie symbiotique de bactéries et de levures. Par exemple, le kéfir de lait compte une trentaine d’espèces de microbes et de levures, différentes selon les endroits de production, qui se reproduisent à l’identique dans le milieu de culture, à savoir le lait.

La fermentation assouplit la texture des aliments, qui deviennent plus faciles à mâcher ; elle génère de nouveaux arômes et répond à une quête culinaire en vue de saveurs inédites ; elle empêche la corruption des denrées et permet une conservation longue ; elle peut améliorer la qualité des aliments, rendre des produits toxiques consommables ; elle améliore la qualités nutritionnelles des aliments, contrairement à la cuisson qui détruit une bonne partie des vitamines, la plupart des enzymes et perd nombre de minéraux et oligo-éléments.

Les différents types de fermentation

Selon le type de transformation biochimique et les micro-organismes en jeu, la fermentation génèrera des produits différents. On distingue et nomme les différentes fermentations selon le type de produit obtenu : ainsi, la fermentation alcoolique caractérise la transformation des sucres en alcool.

Parmi les fermentations les plus courantes, nous pouvons distinguer :

  • La fermentation lactique, ou lactofermentation, effectuée par des bactéries lactiques, qui transforme le glucose en acide lactique. Elle est qualifiée d’homolactique lorsqu’elle donne majoritairement l’acide lactique ; c’est le cas avec les bactéries du genre Lactococcus, Lactobacillus et Streptococcus. Quand elle génère de l’acide lactique conjugué à d’autres produits de fermentation – alcool, CO2 et acide acétique, elle est appelée hétérolactique et fait intervenir des bactéries hétérofermentaires des genres Leuconostoc et d’autres espèces de Lactobacillus.
    La fermentation lactique intervient dans la production des produits laitiers fermentés (yaourts, laits fermentés, fromages), des légumes (choucroute, pickles), du saucisson, des salaisons de viandes et de poissons (caviar, hareng, anchois, nuocmâm), du levain (pain) et de certaines bières (lambic).
     
  • La fermentation alcoolique est due aux levures du genre Saccharomyces principalement. Elle transforme les sucres du miel, des fruits ou du moût de céréales en éthanol (alcool) et constitue la base de la préparation des boissons alcoolisées – vin, cidre, hydromel, bière etc., mais aussi du pain à la levure de boulanger. Cette fermentation produit également du CO2 et de nombreux composés aromatiques, ceuxlà mêmes qui sont à l’origine de la complexité aromatique recherchée par les amateurs.
    Cette fermentation compte vraisemblablement parmi les plus anciennes. Elle est universelle.
     
  • La fermentation acétique est due aux bactéries du genre Mycoderma aceti et se produit en présence d’oxygène. Elle prend le relais de la fermentation alcoolique, lorsque le degré d’alcool devient trop important et toxique pour les levures ellesmêmes et génère du vinaigre.
     
  • La fermentation malolactique est utilisée dans la vinification de certains vins pour adoucir leur acidité. Elle transforme l’acide malique en acide lactique et en CO2, sous l’action de bactéries lactiques essentiellement du genre Œnococcus.
     
  • La pourriture noble, produite par le champignon Botrytis cinerea, se développe sur le raisin très mur que l’on récolte lors des vendanges tardives. Elle favorise la concentration en sucre et développe les arômes des grands vins liquoreux.
     
  • La fermentation propionique est réalisée par des bactérie du genre Propionibacterium et génère de l’acide propionique, de l’acide acétique et du CO2. Elle intervient dans la fermentation des fromages à pâte cuite : comté, gruyère, emmental.
     
  • La fermentation butyrique, réalisée par la bactérie Clostridium butyricum, génère l’acide butyrique qui donne un goût rance aux aliments, en particulier le beurre. Indésirable, chez nous, elle est recherchée dans certaines cultures (au Tibet ou dans les pays arabes par exemple).

Les aliments lactofermentés et la santé

La fermentation ressort du vivant. Elle est caractéristique du vivant, n’est possible que dans le vivant, et soutient le vivant. Mêmes les fermentations à caractère de dégradation sont essentielles au recyclage de la matière organique et nourrissent l’émergence de nouvelles formes de vie : c’est le cas du compost qui va nourrir la terre et augmenter sa fertilité.

Les aliments fermentés en général, et lactofermentés en particulier, sont arrivés jusqu’à nous après « des dizaines de millénaires d’expérience acquise par les civilisations : on sait avec certitude qu’ils sont nourrissants, sûrs et sains. » (Marie-Claire Frédéric).

 

La fermentation améliore la qualité nutritionnelle

La fermentation opère une sorte de prédigestion des aliments, les rendant ainsi plus assimilables et économisant de manière conséquente le travail du système digestif. Les fibres des légumes lactofermentés sont plus tendres, moins irritantes des muqueuses, les minéraux sont rendus biodisponibles.

Les vitamines existantes sont préservées, et de nouvelles vitamines sont générées par la fermentation, ainsi que des enzymes, des acides aminés et d’autres nutriments ou micronutriments qui n’existent pas ou peu dans l’aliment frais. Dans le cas du tempeh, préparation de soja fermenté, les vitamines du groupe B sont largement augmentées, en particulier la vitamine B12.

Ce qui est spécifique à la fermentation lactique, c’est l’environnement acide que produisent les bactéries lactiques, qui améliore la digestion des glucides et des protéines. Ces mêmes bactéries augmentent la teneur en vitamines B, K et C. Les vitamines du groupe B sont au nombre de 8 (B1, B2, B3, B5, B6, B8, B9 et B12) ; elles sont impliquées dans de multiples processus physiologiques, en particulier liés à la production d’énergie. La vitamine K intervient dans les processus de coagulation et est essentielle à la santé osseuse. La vitamine C est antioxydante et largement impliquées dans la fonction immunitaire ; elle intervient également dans la production de collagène nécessaire au bon fonctionnement des os, cartilages, gencives, dents, vaisseaux sanguins et de la peau.

L’acidité lactique contribue à la bonne conservation de l’aliment fermenté, et ce pendant plusieurs mois. C’est grâce à la choucroute embarquée sur ses navires au long cours que le capitaine Cook protégea ses équipages du scorbut qui décimait les marins de l’époque.

Et aussi paradoxalement que cela puisse paraît, cette acidité contribue à l’équilibre acido-basique de l’organisme du fait de la meilleure assimilation des minéraux, précieuses ressources alcalinisantes. Le potassium, en particulier, sera particulièrement présent et contribuera à une balance sodium potassium optimale, alors que celle-ci souffre de manière conséquente des apports déséquilibrés de l’alimentation industrialisée, trop salée (apport de sodium excessif), raffinée et pauvre en légumes (carences potassiques).

 

La lactofermentation contribue à l’équilibre et à la diversité du microbiote

Pour peu que l’aliment fermenté ne soit pas chauffé (entendez aussi pasteurisé), il comporte les populations de micro-organismes qui l’on généré : bactéries et levures, SCOBY ; c’est un aliment vivant. Ses caractéristiques microbiotiques ne sont certes pas maîtrisables et standardisées, et c’est justement cette diversité et cette mixité, que la technologie humaine est très loin de pouvoir reproduire, qui est intéressante. L’organisation et l’équilibre d’un SCOBY se fait au contact d’un environnement donné. La cohérence du vivant assure qu’un SCOBY qui prospère constitue une réponse privilégiée à cet environnement spécifique et aux possibles agressions auxquelles il est exposé. Ainsi, lorsque l’on prépare soi-même ses produits lactofermentés dans l’environnement qui est le sien, ils correspondent parfaitement à ce dernier et lui sont exactement ajustés, ce dont nous bénéficions lorsque nous les consommons.

Notre microbiote en sera le premier bénéficiaire et, par voie de conséquences, notre immunité. Comme évoqué dans l’article consacré à l’écosystème intestinal, notre microbiote, largement présent dans le tube digestif et en particulier le côlon, est un intervenant majeur de notre système immunitaire.

Les micro-organismes présents dans les aliments lactofermentés (consommés crus) vont contribuer directement et indirectement à notre microbiote intestinal.

  • Directement : c’est l’effet probiotique, un apport microbien vivant qui vient ensemencer et enrichir notre microbiote. Même si une partie des microorganismes sera dégradé par les sucs digestifs, d’autres seront préservés et arriveront intacts jusqu’à l’intestin. Et les microbes dégradés augmenteront la part prébiotique.
  • Indirectement, c’est l’effet prébiotique, ces fibres résiduelles qui viennent nourrir le microbiote pour qu’il prospère, à notre service.

Préparer soi-même ses légumes lactofermentés

Il est extrêmement facile de faire fermenter des légumes puisqu’en fait, ça se fait tout seul ! Un peu de sel et de patience souvent suffisent à la fermentation. Je vous propose ici une recette pour préparer de la choucroute et vous transmets d’autres ressources pour explorer plus avant la préparation de lactofermentés.

Pour un chou blanc pommé de 1kg, 15g de sel et 1 cac de baies de genièvre. Vous obtiendrez un bocal d’un litre de choucroute. Ces quantités seront adaptées en fonction du poids de chou que vous préparez. Vous pouvez également réaliser cette recette avec du chou rouge.

Retirez les feuilles extérieures abimées et préservez une grande feuille entière pour couvrir votre choucroute en fin de recette, que vous mouillerez avec un peu de saumure (eau salée) pour l’assouplir.

Râpez le chou en lamelle fines (2mm d’épaisseur environ). Dans un grand saladier, mêlez minutieusement le chou avec le sel et les baies de genièvre et laissez dégorger pendant une heure couvert d’un linge.

Mélangez à nouveau avant de transvaser dans le bocal propre et sec avec le jus rendu. Tassez au maximum la préparation : pressez fermement la surface avec un pilon en bois ou votre poing. Recouvrez de la feuille entière réservée et placez au- dessus un poids qui maintiendra le chou immergé dans son jus. Vous pouvez utiliser une soucoupe, un petit verre ou un petit bocal ou encore un sachet plastique alimentaire rempli de saumure. Fermez le couvercle.

Laissez fermenter à température ambiante 1 à 2 jours puis 3 à 4 semaines au frais (dans un cellier, un garage).

La choucroute se conserve au frais pendant des mois, voire une année. Une fois ouvert, conservez le bocal au réfrigérateur.

 

Quand et comment consommer les lactofermentés ?

Comme tous les supers aliments (les graines germées, les algues marines entre autres), les légumes lactofermentés ont une place de choix à table. Ils peuvent être avantageusement consommés au quotidien, crus, seuls ou avec d’autres crudités. Ils peuvent également servir de condiments, en particulier les préparations plus épicées telles les achards, le kimchi. Ils enrichissent savoureusement la garniture des rouleaux de printemps ou des makis végétaux.

Ils font partie de ces ressources pratiques, prêtes instantanément, savoureuses dont vous auriez tort de vous priver !

Vous pouvez également introduire des boissons fermentées, à petites doses quotidiennes : kéfir de fruit ou kombutcha sont désaltérants, rafraichissants et festifs.

 

Pour aller plus loin

Marie-Claire Frédéric, Ni cru ni cuit, Histoire et civilisation de l’aliment fermenté, Ed. Alma 2014.

Ni Cru Ni Cuit – Le blog des aliments fermentés

Luna Kyung et Camille Oger, L’Art de la fermentation, Ed. La plage 2016.

 

Crédits photos : Azurita, Marekuliasz


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