Nous voilà dans le dernier volet de cette série d’articles consacrés à l’hygiène alimentaire. Aujourd’hui, j’aborde la relation à l’alimentation, à la fois relation personnelle, interpersonnelle et transpersonnelle.
Nous avons vu jusque là comment notre alimentation peut nourrir notre organisme par ce qu’elle apporte en matière de nutriments. Elargissons un peu la perspective pour appréhender que l’alimentation nourrit bien plus que notre organisme : nous interagissons avec les aliments que nous consommons au plan énergétique, au niveau émotionnel, dans le plan du mental et des idées. L’alimentation encore nous met en lien avec nos semblables et est au centre de nos interactions sociales et culturelles. Elle nous positionne d’une certaine manière sur cette sur cette planète et au sein de la communauté du vivant. Enfin, elle peut nous relier à une dimension encore plus subtile, d’ordre spirituelle.
Je développerai ici particulièrement les dimensions émotionnelle, mentale, socio-culturelle et éco-planétaire de l’alimentation.
L’alimentation et l’affect
Quand nous arrivons dans ce monde, dans les premiers moments de notre vie, la tétée est bien sûr un repas nutritif, mais elle apporte aussi douceur, chaleur, affection, sécurité, attention, soin… Dès lors, l’empreinte est profondément ancrée qui associe l’alimentation avec un moment de réconfort, de plaisir, une satisfaction qui va bien au-delà des besoins nutritionnels. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que plus tard, lorsque nous éprouvons un chagrin, du vague à l’âme, un pic de stress, nous soyons enclins à chercher du réconfort dans le garde-manger. Et cela peut être fait avec conscience, en observant clairement le besoin, qui ici n’est pas un besoin de nourriture. Et en observant l’apaisement passager, le côté anesthésiant quelque part, mais qui ne soulage pas vraiment puisque le besoin réel, qu’il soit d’empathie, d’affection, de sécurité, de détente… n’est pas rempli, et ne pourra jamais l’être de cette façon.
Il me paraît fondamental dans toute perspective alimentaire d’inclure la notion de plaisir, qui n’a ni plus ni moins d’importance que les autres aspects relatifs à l’alimentation. Se réjouir d’un repas savoureux contribue à l’équilibre global. Se donner le temps et la disponibilité de goûter cela est d’ailleurs une clé essentielle d’équilibre comme de confort digestif.
Quels plaisirs les repas vous apportent-ils ? Comment prenez-vous soin de ce moment, jour après jour ? Restez-vous libre et souverain dans le choix de vos sources de plaisir autant que celui de votre alimentation ?
L’alimentation et l’intellect
Nous avons aujourd’hui accès à un nombre phénoménal d’informations au sujet de l’alimentation : ce qu’il faudrait manger, ne pas manger, quand et comment manger, toutes ces informations venant s’ajouter à celles issues de notre éducation et de notre culture. Etudes scientifiques, régimes à visée multiples, sensibilités alimentaires, aliments santé, saisonnalités, corrélations mettant en relation certains dysfonctionnements physiologiques avec des facteurs nutritionnels de plus en plus précis… L’ensemble présentant autant de contradictions qu’il est possible d’en imaginer ! Il y a de quoi perdre tous ses repères !
En toile de fond, l’aspiration à faire les bons choix, voire la pression de ne pas faire de faux pas alimentaire… Il n’en faut pas beaucoup plus pour que la question de l’alimentation devienne le centre de réflexions plus ou moins épineuses. Et se transpose ainsi complètement au plan intellectuel.
Combien de nos choix alimentaires reposent sur nos croyances, nos « vérités » individuelles ? D’où celles-ci viennent-elles ? Quelle conscience pouvons-nous poser dessus ?
J’ai pu personnellement observer l’évolution de certaines de mes croyances alimentaires au cours de ma vie : par exemple la nécessité de manger de la viande intégrée dans l’enfance malgré une appétence plus que limitée, puis la découverte avec la naturopathie des alternatives végétales entre autres. J’ai pu observer également l’évolution des connaissances nutritionnelles au fil des années et l’impact sur les conseils alimentaires dispensés lors de mes accompagnements.
Comment recevoir l’ensemble de ces informations, les analyses et compréhensions toujours plus poussées qu’elles permettent sans perdre contact avec l’écoute fine du corps et une forme d’instinct alimentaire primordial ? Comment intégrer les données de plus en plus spécifiques sans perdre la perspective globale de l’être et un certain bon sens ? Comment dépasser l’imaginaire d’une alimentation théoriquement parfaite selon les critères de la nutrition, la saisonnalité, le risque toxique, la prévention de santé, l’individualisation, l’éthique, l’écologie et préserver le plaisir organoleptique et la créativité culinaire ? Comment, surtout, rester libre et souverain dans ses choix alimentaires face à toutes ces injonctions ouvertes ou masquées, enrobées de marketing et d’allégations diverses ?
Ma proposition est de privilégier la curiosité de l’expérimentation, au-delà des points de vue et des arguments en tous genres, de reconnaître la valeur de l’erreur au service de l’ajustement, de sortir des conclusions figées : tout est dynamique, tout est changement dans le vivant ; la vérité d’un jour se transforme le lendemain, de même que nos besoins, envies, sensibilités…
Et de revenir à la sagesse de Paracelse « Tout est poison, rien n’est poison, seule la dose compte ! »
La dimension socio-culturelle de l’alimentation
L’alimentation propose un espace de rencontre, de convivialité. Nous faisons connaissance, nous nous retrouvons, nous célébrons… autour d’une table. Le rythme de nos journées et toute la construction sociale intègrent les temps des repas. Les habitudes alimentaires sont le témoin d’une culture familiale, sociale, d’une transmission, d’un héritage. On peut y accorder plus ou moins de valeur, certes, l’empreinte néanmoins demeure.
A quel point cette empreinte nous conditionne ? Quel degré de liberté osons-nous prendre ou créer par rapport à cette norme ? A quel point pouvons-nous nous appuyer dessus pour nourrir la part relationnelle en nous ?
Je crois que cette dimension mérite autant de soin et d’attention que l’approche nutritionnelle elle-même et lui est d’ailleurs totalement liée. En effet, nous mangeons rarement seuls et l’enjeu est de taille d’accorder l’espace relationnel avec les choix d’équilibre nutritionnel, dans le cercle familial, amical, professionnel…
La dimension éco-planétaire de l’alimentation
Il me paraît aujourd’hui impensable de considérer la question de l’alimentation sans inclure la dimension éco-planétaire qui lui est associée. D’où vient ce que nous mangeons ? Comment cela est-il produit et avec quelles répercussions sur les écosystèmes naturels ?
L’impact écologique de la production agro-alimentaire est criant à toutes les échelles : pollution des sols, de l’air, déforestation… pour produire à grande échelle une alimentation qui rend malade une partie de la planète pendant que l’autre est dénutrie !
En quelques mots, voilà l’état de la situation :
La production alimentaire est responsable d'environ un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre, pour une grande part via l'élevage et l'utilisation des terres pour la production de viande. A noter d’ailleurs que plus d'un quart de ces émissions proviennent du gaspillage alimentaire, autre marqueur d’un dysfonctionnement global. L'agriculture intensive contribue également à la pollution des sols et des cours d'eau, à coup d’engrais chimiques et de pesticides, tout en entraînant la déforestation par l'expansion des terres agricoles. Par exemple, les terres utilisées pour le bétail génèrent deux fois plus d'émissions que celles dédiées aux cultures pour l'alimentation humaine. De la même manière que la déforestation et le principe de monoculture exacerbe la pression sur plusieurs espèces terrestres menacées, la pèche extensive constitue une menace d’extinction majeure pour plusieurs espèces et cause la destruction des habitats marins, entrainant des perturbations des chaines alimentaires marines avec des conséquences possiblement sévères à l’encontre des équilibres écologiques plus globaux.
Par ailleurs, une alimentation végétale consomme nettement moins de ressources pour nourrir un plus grand nombre de personnes et de manière plus qualitative. Ainsi, la production d’aliments végétaux consomme moins d'espace, d'eau et d'énergie que la production de viande. Des études récentes montrent qu'une réduction de la consommation de viande et une augmentation des régimes à forte base végétale peuvent contribuer à réduire de manière significative les émissions globales et l'empreinte écologique.
Ainsi, l’impact des choix alimentaires sur l’écologie planétaire autant que sur la santé est aujourd’hui bien documenté, et des études montrent clairement que des régimes plus bio, locaux et végétaux peuvent contribuer à des améliorations écologiques importantes.
Alors, il nous appartient plus que jamais de questionner nos valeurs, nos aspirations et nos choix au quotidien, et de retrouver une posture véritablement responsable dans la communauté du vivant.
Au-delà du rééquilibrage de notre état de santé, la naturopathie s’inscrit clairement dans ce choix du respect et de l’interdépendance du vivant à toutes les échelles. Elle vous accompagne à clarifier de manière individualisée vos priorités et la manière de les mettre en œuvre jour après jour.
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